Le coeur et la plume blog d'Agnès Sokolowski


Par Agnès Sokolowski

J’ai vu Partage de midi, de Paul Claudel, au théâtre de la reine Clotilde. Drame violent, en 3 actes, ce huis clos ardent est une plongée sans fard au cœur dela puissance, dévastatrice mais flamboyante, du désir amoureux./.Le texte de Claudel, exigeant, écrit dans ce vers libre si particulier, qui épouse, par sa liberté formelle et sa musicalité, les émotions des personnages, surgit comme l’écho de sa propre douleur à travers, notamment, le personnage de Mesa, double fictif de l’auteur: héros maudit, rejeté par Dieu, Mesa s’éprend d’une femme mariée, «obstacle irréductible», qui se trouve, avec son mari, de Ciz, et son ancien amant Amalric, sur le bateau qui les mène en Chine; tiraillé entre son amour dévorant pour Ysé et l’ardeur déçue de sa foi, il se laisse dériver dans les méandres mortifères du désir et entraîne Ysé dans une passion profane, interdite, profanatrice; écho des amours adultères et criminelles de David et Bethsabée, leur amour prend les accents tragiques de celui, impossible, qui unit les couples légendaires, condamnés par un désir puissant, interdit, dévorant, destructeur. La très belle scénographie d’Emile Azzi laisse entendre la poésie sauvage, lyrique, exaltée de cet aller sans retour mystique profondément marqué de morale chrétienne : le bateau (acte I), le cimetiere (acte II) et la maison minée (acte III) constituent les tableaux symboliques de cette histoire tragique et passionnelle qui, paradoxalement, ramène le héros vers Dieu; les lumières, judicieusement exploitées miment l’aveuglement, l’obscurcissement, l’apothéose spirituelle de la douleur; la musique mime l’enjeu des échanges (chaque entrevue entre Mésa et Ysé est accompagnée par exemple de la force du destin).Quant aux acteurs, ils excellent : Valentine Galey est une Ysé farouche, charnelle, passionnée, libre, éblouissante dans son face à face mutique avec Mesa; Émile Azzi est un Mesa torturé, exalté, halluciné, anéanti et grandiose; Philippe Michel parfait en entrepreneur opportuniste; Yannis Baraban excelle en séducteur cynique, viril et sensuel, pathétique et sublime dans sa fougue éperdue pour Ysé. On joue Claudel au TRC et on joue rudement bien.🎭🖤

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